Déclaration concernant l'annulation du statut légal de 13 universités au Nicaragua
Aujourd’hui pour vous… nous nous mobilisons !
Déclaration concernant l'annulation du statut légal et la confiscation des locaux de 13 universités au Nicaragua
Entre le 2 et le 3 février, les députés nicaraguayens, dont la majorité appartient au parti au pouvoir, ont approuvé l'annulation du statut juridique de treize universités et de plusieurs organisations à but non lucratif. Une semaine plus tard, ils ont poursuivi avec six autres organisations, parmi lesquelles des associations culturelles, des associations de femmes et de jeunes filles, une organisation de défense des droits de l'homme et le Mouvement María Elena Cuadra, ce dernier très actif dans la défense des droits des femmes travailleuses des entreprises de maquilas et sans emploi.
Les universités concernées sont : l'université polytechnique du Nicaragua (UPOLI) ; l'université catholique du tropique sec (UCATSE), située dans la ville d'Estelí ; l'université populaire du Nicaragua (UPONIC) ; l'université nicaraguayenne d'études humanistes (UNEH) et l'université Paulo Freire (UPF). À cela s'ajoutent sept universités étrangères : Florida International University ; Michigan State University ; Wake Forest University ; la Corporation universitaire de Mobile ; l'Association universitaire Thomas More (UTM) ; l'Association universitaire centraméricaine des sciences commerciales (Ucem) ; et la Fondation universitaire des sciences du marché (Fundación Universidad particular en Ciencias del Mercado).
Bien que la procédure récente d'annulation du statut des universités ait été introduite « avec un caractère d’urgence », plusieurs signes inquiétants annonçaient déjà l’offensive actuelle contre les universités. L'un d'entre eux a été le harcèlement financier, politique, policier et médiatique subi par l'Université centraméricaine (UCA). Il y a quelques semaines, ce centre d’études avait mis en garde contre la réduction de 6 % du budget, constitutionnellement attribué (art. 125 de la Constitution) aux universités pour financer les bourses d'études destinées aux étudiants à faibles revenus, dont beaucoup sont issus des provinces du pays.
Il convient de rappeler que l'obligation pour l'État d'allouer 6% du budget aux universités publiques et subventionnées a été gagnée dans les années 1990 par la mobilisation de la communauté étudiante. Ironiquement, parmi ceux qui aujourd'hui promeuvent activement les restrictions budgétaires, on trouve d'anciens leaders étudiants proches du parti au pouvoir qui, à l'époque, ont participé à la lutte pour les 6% (et ont même été criminalisés pour cela).
Les lois liberticides (loi sur les agents étrangers, loi sur la cybercriminalité, entre autres...) votées à partir de la fin 2020 ont poursuivi l'objectif de démanteler les espaces organisationnels, les institutions qui favorisent le développement communautaire, la défense des droits humains, la liberté d'expression, l'exercice de la pensée critique et l'accès à une éducation de qualité. Le ministère de l'Intérieur a fonctionné comme une structure répressive dont la stratégie consiste à bloquer les procédures et à refuser les validations de statut aux organisations de la société civile et même à bon nombre des universités dont le statut a été récemment annulé et qui ont été expropriées. En plus d'être une violation de l'autonomie des universités, la fermeture et la confiscation subséquente des locaux universitaires ont interrompu brutalement la carrière de milliers d'étudiants. Par ailleurs, le recteur de l'Université Paulo Freire (UPF) – université qui a formé de nombreux syndicalistes et leaders sociaux au droit du travail – a dû s'exiler par crainte d'être arrêté et soumis aux mêmes conditions de détention inhumaines que celles dans lesquelles sont détenus aujourd'hui 176 prisonniers politiques. Ces conditions de torture carcérale auxquelles sont soumises les personnes injustement emprisonnées ont entraîné la détérioration de leur santé physique et émotionnelle, ainsi que celle de leurs familles, et ont conduit à la mort, le 12 février dernier, de l'ancien guérillero Hugo Torres, figure emblématique du renversement de la dictature de Somoza (en 1979) et de la période révolutionnaire des années 1980.
En tant que chercheurs, enseignants, étudiants et, en général, personnes qui composent la communauté universitaire, nous nous sentons engagés aux côtés de nos collègues nicaraguayen.ne.s dans la défense de l'autonomie universitaire, dans la défense du droit de vivre, de travailler et de transmettre des connaissances dans un environnement exempt d'imposition, d'intimidation, d'endoctrinement et de répression, comme le proclame l'article 125 de la Constitution du Nicaragua.
Aujourd'hui, en raison de l'urgence de la situation, nous dénonçons les attaques contre les universités au Nicaragua et nous sommes solidaires de nos collègues qui ont été privés de leur droit de manifester. Nous l'avons fait aussi avec nos collègues qui ont affronté ou affrontent des procès, des emprisonnements, des menaces, l’exil et même sont victimes d’assassinats, comme cela s'est produit de manière fréquente ces dernières années en Turquie, au Brésil, en Iran, en Colombie, au Honduras, au Salvador... et aussi dans d'autres pays, où, même si elles sont moins systématiques, les atteintes aux droits constatées révèlent la tentation toujours présente de « s'inspirer » des méthodes les plus autoritaires pour contrôler les centres éducatifs.
Conscients que le fait de se taire ne fait qu'enhardir ceux qui, de leur position de pouvoir, se sont donné pour tâche d'étouffer la libre pensée et d'intimider les citoyens, aujourd'hui pour vous, nous nous mobilisons ! 14 février 2022
Maria Perez Contacter l'auteur de la pétition
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