Sauvez l'Orchestre Dijon Bourgogne

Le Ring

Que pensez-vous, Monsieur, du Ring qui vient d'être représenté à Dijon ?

- Vous voulez dire des morceaux choisis de l'Anneau des Nibelungen ?

- Non ! De l'ensemble de la Tétralogie qui a été produit à l'Auditorium !

- Vous y êtes allé, vous ?

- Bien sûr !

- Alors expliquez moi pourquoi Fasolt a réussi à se tirer intact du prologue de la Trilogie et que Donner ait dû patienter jusqu'à La Walkyrie pour se faire entendre.

- Oh, ça ne m'étonne pas. Le tribunal international de La Haye et la ligue des droits des géants ont dû intervenir pour que l'on ne tue pas un frère pour une simple question d'argent. Quant à Donner il ne fallait pas qu'il attire l'attention, son et lumière, sur ce qui n'est rien d'autre qu'une magouille immobilière chère à notre ville.

- Et la Walkyrie ? - Pas trop mal. La pratique incestueuse de Siegmund aurait pu être sous-entendue alors qu’on a voulu la montrer, ce à quoi Sieglinde s'est fermement opposée. Par ailleurs, Loge, qui ne chantait pas, aurait avantageusement pu être remplacé par l'électricien de mon quartier pour simuler l'embrasement du rocher sur lequel Brunhilde somnolait.

- Je n'ose pas vous parler de Siegfried !

- Vous avez raison. Cependant j'ai été attendri par Fafner qui est mort en quelque sorte dans les bras de Siegfried: au moins, tout le monde a pu comprendre que le dragon en avait marre de garder le trésor.

- Vous exagérez ! C'était très bien chanté !

- C'est là où est le problème. Les chanteurs ont été formidables dans ce marathon qui consistait à jouer le Ring en deux demi-journées de 16 heures à 22 heures 30 et je trouve que les spectateurs l'ont été aussi.

- Les spectateurs sont aussi des auditeurs !

- Moi, je suis auditeur devant ma chaîne haute-fidélité. Si je vais regarder un opéra, c'est aussi pour y assister.

- Le Crépuscule des Dieux vous a alors scandalisé ?

- Non, il m'a reposé. Il a duré une heure et demie, soit deux fois plus qu'un crépuscule à l'équateur et deux fois moins qu'un Crépuscule à Bayreuth. En outre Hagen, véritable colosse qui jouait Hunding dans La Walkyrie et qui devrait éviter de fumer sur scène comme chez lui a eu des faiblesses de santé annoncées par haut-parleurs mais qu'il a réussi à maîtriser.

- Vous semblez avoir des tendresses pour les chanteurs ?

- Oui.

- Vous en avez moins pour les organisateurs ?

- Je ne savais pas qu'il y en avait.

Gérard Chamaret (Chroniques simples)