La Seine n'est pas à vendre !

aer_pvaugirard_2009.JPG

Madame Anne Hidalgo, Maire de Paris,

La Seine n’est pas a vendre !

Le 8 février 2018, Bernard Landau, Chris Younès, Frédéric Bonnet, Christine Nedelec, Monica Berri, Nicolas Monnot Thierry Paquot, François Chaslin  et Patrick Bouchain ont publié une tribune dans le journal Libération pour solliciter le débat public autour du projet de construction de trois passerelles habitées sur la Seine dans Paris.

Ce projet s’inscrit dans le programme « Reinventing Cities » auquel participent 20 villes dans le monde dont Paris. La proposition du site de la Seine dans Paris, décidée sans aucun débat préalable, ne serait-ce qu’ au sein du Conseil de Paris, prévoit de confier le financement de ces ouvrages à des investisseurs privés associés à des concepteurs, chargés de définir le modèle économique de leur financement et leur réalisation. Une grande première dans l’histoire de l’édification de ce type d’ouvrage au-dessus d’un fleuve en France !

Loin de toute démarche passéiste, nous croyons que le site de la Seine, dans Paris et à l’échelle du Grand Paris est un bien commun et que le choix de nouveaux franchissements, sujet d’intérêt métropolitain, doit être le résultat d’un débat public et d’un processus démocratique. 

La méthode utilisée prend à notre avis la Seine en otage ... dans la perspective d’un coup de communication pour les  JO ?

La laisser se poursuivre sous cette forme, c’est prendre le risque de se retrouver dans quelques mois devant  fait accompli.

Amoureux de Paris, nous avons pris la responsabilité de mettre cette tribune en ligne, sous la forme d’une pétition adressée à la Maire de Paris afin qu’un débat public puisse s’ouvrir. 

NB : Les habitants de Paris pourront donner leur adresse, et date de naissance : leur nombre permettra de demander un débat au conseil de Paris. Pour tous les autres, « parisiens », français ou citoyens du monde cela permettra de contribuer au combat pour la sauvegarde de biens communs !

 

                                        La Seine n'est pas à vendre !

Tribune parue dans Libération le 8 février 2018

La ville de Paris a annoncé mi-novembre 2017 le lancement d’un appel à projet pour la construction de trois passerelles piétonnes « habitées » franchissant la Seine dans Paris. Cette initiative s’inscrit dans le cadre de réinventing cities lancé par Anne Hidalgo, initiative à laquelle participent vingt grandes villes dans le monde, elle s’inscrit dans la continuité de: « réinventer Paris, réinventer la Seine, la métropole, les sous-sols... ». Sont ainsi envisagées une passerelle à l’ouest entre le 15ème et le 16ème arrondissement, une à l’est entre le 12ème et le 13ème, et une dans le centre, entre le Pont Henri IV et le pont d’Austerlitz. Leur localisation précise serait laissée à l’appréciation des investisseurs qui en financeront la construction et en gèreront les activités commerciales - commerces, cafés, restaurants, animations, activités culturelles, espaces verts - tout en préservant des vues sur la Seine, précise bien la Mairie. Aux architectes et ingénieurs d’inventer des passerelles élégantes et légères et aux investisseurs de trouver le modèle économique.

L’initiative relayée dans les médias a surpris : doit-elle être prise au sérieux (il n’existe pas de modèle économique pour ce type de projet et Londres vient d’y renoncer) et si ce n’était qu’un coup de « com » de plus ? Rien ne mentionnait jusqu’alors de telles intentions dans les documents de planification urbaine de la ville et elle n’a fait à ce jour l’objet d’aucun débat au conseil de Paris. On n’ose imaginer la longue marche des accords qu’il faudra obtenir : VNF Port de Paris, Préfet, Ville, mairies d’arrondissements, ABF, commission des sites....

Rappelons d’abord que le site de la Seine dans le centre de Paris, est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, une des passerelles proposées est juste en limite du site classé. Les grandes perspectives dégageant le ciel, les rives et les monuments construits au fil des siècles constituent un paysage exceptionnel ayant inspiré artistes, poètes, écrivains ou cinéastes. C’est en partie l’âme de Paris. Doit-on imaginer « commercialiser ces vues » sur des passerelles habitées ? Doit-on prendre le risque de boucher ces perspectives ?

De par la méthode et les programmes envisagés, cette initiative exprime une bien curieuse conception des espaces publics. La ville manque de foncier et la « valorisation foncière » systématique devient un des slogans de l’urbanisme parisien. Ils étaient jusqu’alors épargnés, ne serait-ce plus le cas ? Déjà, avec « réinventer la Seine », certains projets de construction sur du domaine public en bord de Seine sont à l’étude : devant la Maison de la Radio dans le 15ème, sur la place Mazas en tête de pont Austerlitz dans le 12ème.  Demain ce serait sur les berges où sur la Seine, au milieu des ponts,  là où la vue sur Paris reste imprenable ? Qui sera propriétaire des nouveaux ouvrages ? Qui les entretiendra ? Avec le temps, ils reviendront immanquablement à la collectivité, des cadeaux empoisonnés ?

Il faut créer nous dit-on encore des lieux de vie et un nouveau rapport au fleuve. Le fleuve a toujours été un lieu animé de la ville. Depuis Paris Plage et avec le succès de la courageuse reconquête sur la voiture des berges, les habitants, les touristes et amoureux de Paris ont pris place sur les ponts et les quais du fleuve : fêtes de la passerelle des arts, nombreux happenings aux beaux jours sur les ponts du centre de Paris du Pont Neuf à la passerelle Simone de Beauvoir, rendez-vous spontanées sur les berges, cadenas des amoureux sur les gardes corps, soirées dansantes du Quai Tino Rossi, animations des quais de Paris Rive Gauche,  retour des pécheurs, les initiatives ne se comptent plus !

En matière de projets, cela ne  va pas assez vite nous dit-on également. Il faut au moins une mandature pour construire une passerelle sur la Seine regrette Jean Louis Missika, l’homme pressé des projets urbains. Qu’en est-il vraiment ? Il a fallu près de 5 siècles pour construire sur 13 km les 36 ponts actuels, un tous les 500 m en moyenne, un quasi record mondial ! Les cinq derniers ont été construits en 25 ans de 1981 à 2006: réfection en 1981 de la passerelle des Arts, élargissement du Pont de Bercy en 1992, construction du Pont Charles De Gaulle reliant les gares de Lyon et d’Austerlitz en 1996,  création en 1999 de la passerelle Léopold Senghor, reliant les jardins des Tuileries au Musée d’Orsay et en 2006 inauguration de la passerelle  Simone de Beauvoir reliant les quais bas du fleuve et la terrasse du parc de Bercy à celle de la Grande Bibliothèque.

Dans le même temps, à l’heure de la métropole du Grand Paris, aucun pont routier, autoroutier,  ferré,  aucune nouvelle passerelle piétonne n’ont été construites ces dernières années sur la Seine ou sur la Marne dans les départements du centre de l’agglomération (92,93,94), sans parler des difficultés à franchir les canaux (une passerelle récente sur le canal de l’Ourcq, deux il y a 25 ans  sur le Canal saint Denis après la  construction du Stade de France) ou le périphérique (une passerelle récente au nord de Paris). Le Grand Paris Express propose de nouveaux franchissements, sur les voies ferrées – Pleyel à Saint Denis ou les Ardoines à Vitry - et enfin sur la Seine – une passerelle entre Saint Denis et l’Ile Saint Denis pour le village des J.O. 

Au-delà du périphérique l’inter-distance moyenne entre deux ponts passe dans le meilleur des cas de 500m à 3km ! Ne faut-il pas désormais réfléchir aux questions de franchissement de la Seine à l’échelle régionale ? Des passerelles piétonnes dans Paris, pourquoi pas ? Doivent-elles être financées entièrement par le privé ? Pour quels usages ? L’urbanisme n’est pas une affaire de communication, on ne réinvente pas, on poursuit toujours une histoire, et face au fait métropolitain, celle de la Seine mérite plus que toute autre qu’on prenne le temps d’en débattre publiquement. Ce n’est pas non plus une affaire parisienne mais régionale et même internationale… De nouveaux franchissements du fleuve ne doivent aucunement entraîner la construction de bâtiments sur les quais.  

Si la Seine, possédait une personnalité juridique, à l’instar d’autres fleuves dans le monde, des associations pourraient plaider sa cause et empêcher de dénaturer son paysage au nom de la consommation ! La Seine n’est pas à vendre.  

Bernard Landau, Chris Younes, Christine Nedelec, Frédéric Bonnet, François Chaslin, Monica Berri, Nicolas Monnot, Patrick Bouchain, Thierry Paquot.

Collectif d'Amoureux de Paris  


Collectif d'Amoureux de Paris    Contacter l'auteur de la pétition