Non à la taxe kilométrique-Neen aan de kilometerheffing-

sassèfait

/ #24123 texte de son excellence d'interenvironnement walbanie

2014-02-18 16:54

vous constaterez son intolérance intellectuelle et l'orientation délibérée de son propos à l'égard des signataires de cette pétition
"Ta taxe dans ta gueule !
Ah, ça c’est de la pétition ! De l’authentique, de la spontanée, de la celle qui vient des tripes et exprime vraiment l’opinion publique. Rien à voir ces mobilisations molles de la conviction qui rament pendant des mois pour atteindre leur objectif trop ambitieux et espèrent faire croire au soutien massif de revendications dont tout le monde se fout. Rien à voir non plus avec ces appels pathétiques autour d’enjeux dérisoires du style « Soutien aux revendications des réfugiés afghans » qui échouent à rameuter au-delà de leurs initiateurs et affidés (moins de 7.000 signatures sur un mois en dépit du soutien du ban et de l’arrière ban associatif, des syndicats et de Monseigneur Léonard en guest star. S’ils pensent faire le poids face à Maggie De Block avec ça ! Ridicule.) Le « Non à la taxe kilométrique – Neen aan de kilometerheffing », c’est autre chose, du lourd, du couillu, du qui te met un gouvernement au pas.

Plus de 160.000 signatures récoltées en cinq jours à peine : même la fameuse pétition « Pour l’unité de la Belgique » qui fit l’événement fin 2007 avec 140.000 soutiens en trois mois apparaît minable en comparaison. C’est une lame de fond, c’est un tsunami citoyen, que dis-je, c’est une révolution virtuelle ! D’ailleurs, les quelque 22.000 commentaires laissés par celles et ceux unis dans le rejet s’avèrent particulièrement éloquents à ce sujet : « Pays de merde ! » – « Encore une nouvelle façon d’enculer les enfoirés (nous) qui ont commis l’erreur inadmissible de travailler. Plus le temps passe, et plus cette société d’assistanat (et d’escroquerie politiques) m’écœure ! » – « Il est grand temps de réagir, Nous moutons en avons marre de nous faire entuber. » – « Ce pays est de moins en moins "démocratique" » – « Marre de ces taxes. On doit bouger pas juste se plaindre derrière un pc. Qu’on arrête tous de travailler 1 semaine, plus une goutte d’essence, paralysons le pays, les millions qu’ils perdront les fera réfléchir ses politicard de merde. Ça aurait été nos grands-parents ou dans certain pays, la ville serait déjà en feu. » – « Voleurs ! C’est le peuple qui paye l’incompétence de nos politiciens. Ici ce n’est pas une question de PS, MR ou CDH, c’est une question de politiques qui enc***** le citoyen. Il est plus que temps de se rebeller ! »
L’échantillon est limité mais représentatif de l’état d’esprit général (impasse faite sur la fatwa lancée contre le vert, les menaces proférées à l’encontre des attributs des ministres masculins et des sévices moyenâgeux promis à l’ensemble des exécutifs et nombre de représentants politiques).

On me dira (si, je sais qu’on me le dira) qu’il faut être positif, ne pas stigmatiser ce mouvement et, au contraire, tenter de le comprendre. Je préfère donc être clair : je suis incapable de la moindre indulgence face à cette déferlante de mauvaise foi et de poujadisme macérés dans l’idolâtrisme automobile.

Le caractère irrationnel qui unit l’homme à la voiture a été maintes fois mis en exergue ; l’objet utilitaire s’est mué en une sorte de veau d’or cristallisant les passions et les fantasmes, un vecteur d’affirmation individuelle et sociale auquel porter atteinte relève du sacrilège. « Ma voiture, c’est ma liberté » n’est pas ou plus un slogan, c’est une véritable profession de foi et nulle entrave à cette liberté n’est tolérée. Rappelons alors aux automobilistes pratiquants que la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres… Et sur base de ce principe élémentaire fondant la vie en société, les arguments pour mettre un frein à l’invasion de la voiture ne manquent pas. Accaparement de l’espace public, émission de nuisances sonores, pollution de l’air affectant gravement la santé de tous, contribution massive à l’effet de serre ne sont ainsi que quelques-unes des très bonnes raisons de placer la liberté de l’automobiliste sous conditions.

Mais trêve de philosophie, revenons-en aux faits. Et que nous disent ceux-ci ? Qu’un test en vue d’estimer les effets d’une taxation au kilomètre va être mené avec 1.200 volontaires. Pas question, donc, de l’instauration plus ou moins imminente de ladite taxation. Les accords conclus en la matière entre les Régions ne l’envisagent d’ailleurs pas. Par ailleurs, ce test doit porter sur la zone géographique du futur RER. Les complaintes entre rage et larmes sur l’étranglement financier des habitants de la province de Luxembourg ou sur les 200 kilomètres taxés quotidiennement pour le Liègeois venant travailler à Bruxelles – Dis, feï, tu ne prendrais pas le train ? – s’avèrent dès lors sans fondement.
Que bruit et de fureur pour… rien. Enfin, pas tout à fait : cette poussée de fièvre met en lumière l’état peu reluisant de notre vivre et fonctionner ensemble.

L’empressement aussi lâche qu’unanime avec lequel les partis ont manifesté leur opposition à la taxation contestée laisse ainsi pantois. Qu’ils expriment leur point-de-vue (plus ou moins sincère si on s’en réfère au cas de Didier Reynders lancé dans une gymnastique rhétorique pour expliquer sa condamnation d’une mesure… qu’il prône dans un livre qu’il vient de signer !) est une chose, qu’ils le fassent sur l’air de « pas de nouvelle taxe sur l’automobile » et sans la moindre volonté pédagogique de pointer les impasses liées à ladite automobile en est une autre au mieux tristement électoraliste, au pire dangereusement irresponsable. Même Ecolo, atteint du « syndrome de Francorchamps » en vertu duquel l’important n’est pas la pertinence d’une position mais son acceptation par l’électeur, a veillé à se ranger du bon côté de la démagogie en arguant que les conditions pour l’instauration d’un tel système n’étaient pas remplies. Personne pour interroger le cœur du débat (quel système de taxation est le plus efficace pour agir sur les enjeux de mobilité et d’environnement ?), rappeler que des mesures taxant la circulation en ville existent dans d’autres pays où ils ont fait leur preuve, assumer que si ce n’est pas aujourd’hui, ce sera demain ou après mais, tôt ou tard, des mesures restrictives (financières ou autres) devront bel et bien être activées…

Il est particulièrement savoureux de noter que la seule voix discordante entendue dans ce concert anti-taxation est celle de... la FEBIAC (Fédération Belge de l’Automobile et du Cycle), soit le lobby des constructeurs ! Lequel, contrairement à l’automobiliste lambda, est un animal à sang froid, viscéralement rationnel, qui a bien compris l’avantage qu’il pourrait retirer d’une fiscalité basée sur l’utilisation du véhicule envoyant aux oubliettes le système actuel qui taxe l’achat via la taxe de mise en circulation.

Mais le plus important à retirer de cette agitation me semble être le niveau de poujadisme qui gangrène aujourd’hui la population belge. S’ils peuvent parfois prêter à rire par leurs excès et leur absurdité, les commentaires postés sur le site de la pétition et dans les divers forums ouverts par les médias mettent surtout mal à l’aise tant ils suintent d’égoïsme, de défiance haineuse envers les politiques et, c’est sans doute le pire, de stigmatisation des « assistés ». Dans ces messages, la société se décline désormais en blanc et noir : d’un côté, ceux qui travaillent et s’estiment « sucés jusqu’à l’os » par les impôts ; de l’autre, les « assistés » vus comme des fainéants profitant de ces impôts.

Caractéristiques d’une période de crise(s) profonde(s), cette dichotomie traduit crûment la négation du principe même de « société solidaire » par ceux qui la composent. Le fait que « l’impôt » soit considéré non comme une contribution à la richesse commune en vue de financer des services publics mais comme un vol, une forme d’extorsion légale par une identité désincarnée baptisée Etat s’avère à cet égard dramatiquement éloquente. Et à force de reprendre à l’unisson le refrain du « trop d’impôts » plutôt que de s’appliquer à expliciter le sens de ceux-ci, les politiques contribuent à cette dérive dangereuse.

Ce qui se joue à travers ce type de mobilisation déborde largement du cadre de la mobilité et de l’environnement : c’est la perpétuation d’un système sans doute imparfait mais qui s’efforce de ne laisser personne sur le bas-côté versus l’avènement d’un individualisme tax-free où l’enseignement, les soins de santé, la retraite seront privatisés et à charge de chacun. Et où, en toute logique, la liberté de circuler en voiture sera soumise à un péage permettant d’assurer l’entretien d’un réseau routier lui aussi passé entre les mains du privé. Pas sûr que nos pétitionnaires, aussi « travailleurs » soient-ils, apprécient…"