mustafa |
/ #2122011-12-24 01:13Causes et déclenchement du conflit[modifier] Ex-colonie britannique, le Nigeria, qui prend son indépendance en 1960, est alors peuplé d'environ quarante millions d'habitants, population supérieure à celle de l'ensemble des États africains francophones nouvellement indépendants1. Sa population est divisée en 250 ethnies1, dont trois principales, les Haoussas, les plus nombreux, majoritairement musulmans et vivants au Nord ; les Yorubas, musulmans et chrétiens vivant à l'Ouest et au Sud-Ouest ; et les Ibos (ou Igbos), majoritairement chrétiens et animistes, qui vivent au Sud-Est et détiennent la majorité des postes dans l'administration et les commerces. Largement christianisés et alphabétisés par les missionnaires, les Ibos avaient en effet été favorisés par l'administration britannique qui séparait ainsi les forces du pays pour mieux asseoir sa domination. De plus, la plupart des mines de charbon et des réserves de pétrole du pays étaient situées à l'est du delta du Niger, où vit la majorité des Ibos. De 1960 à 1966, les deux partis politiques Haoussa et Ibo s'allient pour diriger le Nigeria, excluant de fait les Yorubas. Les autres ethnies se sentant lésées à différents niveaux, elles s'opposent aux Igbos et les tensions montent jusqu'à atteindre leur paroxysme en 1966. Les Yorubas soutenaient jusqu'alors un parti réformiste à tendance progressiste, opposé au bloc conservateur des musulmans du Nord, l'Action Group. Ils menèrent alors un coup d'État qui conduisit à la formation d'un parti Yoruba plus conservateur, le NNDP, et à une alliance avec les Haoussas. Les composantes de cette nouvelle alliance politique exclurent les Igbos du pouvoir et les menacèrent de leur confisquer leurs richesses, tirées notamment du pétrole. Lors des élections de 1965, l’Alliance nationale nigériane (Nigerian National Alliance) des Haoussas, alliée aux membres conservateurs Yorubas, s'opposait à la Grande Alliance progressiste unie (United Progressive Grand Alliance ou UPGA) Igbo, alliée aux membres progressistes Yoruba. L'Alliance nationale nigériane, menée par Sir Abubakar Tafawa Balewa, remporta la victoire avec une écrasante majorité, qui fut néanmoins entachée par des soupçons de fraude électorale massive[réf. nécessaire]. Des officiers Igbos à tendance gauchisante renversèrent alors le gouvernement et placèrent le général Johnson Aguiyi-Ironsi à la tête de l'État le 15 janvier 1966. Ironsi met fin le 24 mai 1966 au fédéralisme et renforce la domination de la capitale, mais les tensions s'attisent dans le pays1. Une rébellion anti-Ibos éclate dans le Nord, déclenchant un exode massif vers la province de l'Est. Selon Jean Guisnel, « les massacres provoquent plus de 30 000 morts jusqu'en octobre »1. Ironsi est assassiné le 29 juillet 1966, et un autre coup d'État instaure un gouvernement fédéral militaire. La junte, en majorité musulmane, place à la tête de l'État un chrétien, le général Yakubu Gowon, avec pour mission de rétablir la paix dans le pays et un régime civil à son gouvernement. Mais dans le Nord du pays, en majorité peuplé de musulmans, des persécutions et des pogroms sont perpétrés sur des Igbos, ethnie chrétienne, malgré les tentatives de Lagos de ramener le calme[réf. nécessaire]. Le général Gowon modifie les structures administratives du pays, ce qui suscite l'opposition des Ibos, qui perdent le pétrole, qui est présent principalement à l'est du Delta, et est l'objet d'exploitations par les compagnies britanniques Shell et British Petroleum (BP)1. Odumegwu Emeka Ojukwu, le gouverneur militaire de la région de l'Est, fief des Igbos, refuse alors de reconnaître l'autorité de Yakubu Gowon et la tension monte entre chrétiens et musulmans, plaçant le pays au bord de la guerre civile. En janvier 1967, l'accord d'Aburi est proposé au Nigeria au terme d'une médiation ghanéenne. Il prévoit l'abandon de la division du pays en régions afin d'instaurer une République fédérale composée de douze États. Le général Gowon propose de son côté un nouveau découpage administratif qui aurait privé les Igbos de la grande partie des ressources pétrolières. Ojukwu rejette ces propositions et déclare que tous les revenus générés dans la région de l'Est seront réquisitionnés par le gouvernorat en termes de réparation au coût du déplacement des dizaines de milliers d'Igbos fuyant le Nord. Débuts de la guerre[modifier] Déroulement des opérations militaires[modifier] Le 26 mai 1967, le Conseil consultatif de la région de l'Est vote la sécession de la région[réf. nécessaire]. Le 30 mai, Ojukwu proclame l'indépendance de la région, qui prend le nom de République du Biafra, avec Enugu pour capitale. L'armée biafraise compte alors environ 100 000 hommes. L'état d'urgence décrété au Nigeria le 26 mai 1967 permet d'instaurer des mesures policières visant à reprendre le contrôle du Biafra mais sans grand succès. Le Biafra détenant les deux-tiers des réserves de pétrole, Ojukwu s'approprie le dernier tiers en traversant le Niger et en envahissant la région du Centre-Ouest, où se constitue une éphémère République du Bénin, avec Benin City pour capitale (à ne pas confondre avec le Bénin, qui correspond à l'ancien Dahomey). En représailles des actions armées du gouvernement nigérian, l'armée du Biafra pousse ses incursions jusqu'à Lagos, la capitale du Nigeria. L'armée fédérale engage alors les hostilités et prend peu à peu le contrôle des principales villes, tandis que le territoire du Biafra se réduit au fil des mois comme une peau de chagrin : Ogoja, Nsukka et l'île de Bonny tombent dès le 30 mai 1967, Enugu le 28 septembre 1967 (capitale transférée à Umuahia), Port Harcourt et ses champs pétrolifères le 24 mai 1968, Umuahia le 22 avril 1969 (capitale transférée à Owerri) et finalement Owerri le 9 janvier 1970. Avec la chute de Port Harcourt le 24 mai 1968, le Biafra se trouva définitivement privé d'un accès à l'océan Atlantique. La stratégie d'étouffement des poches de résistance biafraise par l'armée nigérianne conduisait irrémédiablement à l'écrasement sanglant de la révolte. Positions internationales[modifier] Les anciennes puissances coloniales que sont le Royaume Uni et la France sont les principaux protagonistes externes de ce conflit qui suit de près la décolonisation et voit les nouvelles zones d'influence se dessiner. Les deux camps sollicitent l'aide de la France, mais le général de Gaulle décide officiellement un embargo aux deux parties1. Paris penche pour le Biafra : en 1967, de Gaulle déclare à Jacques Foccart, son conseiller en affaires africaines, qu'il souhaite le « morcellement » du pays3 afin d'affaiblir la zone d'influence britannique. De plus, le général Gowon reçoit des armes de l'URSS1. Pourtant, Gowon avait commandé quarante automitrailleuses à Paris, qui commenceront à être livrées en juin 1967. La moitié de la commande sera honorée, les livraisons cessant en décembre4. Les grandes nations choisissent peu à peu leur camp : la France du général de Gaulle fournit des armes au Biafra, dont l'indépendance ne sera officiellement reconnue que par quatre pays africains (Tanzanie, Gabon, Côte d'Ivoire, Zambie) et par Haïti ; de leur côté, le Royaume-Uni et l'URSS soutiennent le gouvernement fédéral et lui fournissent des armes[réf. souhaitée]. Les États-Unis soutiennent également le Nigeria, mais s'opposent à toute vente d'armes aux deux parties. Le chanteur John Lennon, citoyen britannique, renvoie sa décoration de Member of the British Empire pour protester contre le choix de camp effectué par son pays.[réf. souhaitée] Outre Paris, qui penche pour le Biafra, le Gabonais Albert-Bernard Bongo et l'Ivoirien Félix Houphouët-Boigny, soutenus et financés par l'Afrique du Sud et la Rhodésie, soutiennent le général Ojukwu afin de réduire l'influence du Nigeria anglophone en Afrique1. Le 6 juillet 1967, les compagnies pétrolières Shell, BP et American Overseas annoncent leur intention de verser directement les royalties au Biafra et non au Nigeria. Les différentes nations soutenaient l'un ou l'autre des belligérants par des convois d'armes, de mercenaires et de conseillers militaires. L'excentrique comte suédois Carl Gustav von Rosen, recruté par l'association caritative catholique Caritas, proche du Vatican1, dirigea aussi une brigade aérienne composée de cinq avions Saab miniCOIN (deux biafrais et trois suédois). Les milieux chrétiens, dont fait partie Jean Mauricheau-Beaupré, collaborateur de Jacques Foccart, qui préside la cellule africaine de l'Élysée, ont tendance à considérer la guerre du Biafra comme un conflit religieux et soutiennent les Ibos1. Rôle de la France dans ce conflit[modifier] Cet article n’est pas rédigé dans un style encyclopédique. Améliorez sa rédaction ! Avec le Maroc, le Nigeria est l'un des seuls pays à protester vivement contre le troisième essai nucléaire français, Gerboise rouge, effectué le 27 décembre 1960 à Reggane, au Sahara algérien. Lagos expulse alors l'ambassadeur de France Raymond Offroy et interdit aux avions et aux navires français de toucher son sol, provoquant la colère de de Gaulle et de Pierre Messmer, alors ministre des Armées. Quarante ans plus tard, ce dernier déclare : « Je ne pardonnais pas [au Nigéria] son attitude après nos tirs nucléaires à Reggane. Ça permettait [le soutien au Biafra] de lui faire payer ! Il avait été à la fois provocant et ridicule. Provocant, en essayant de soulever les gouvernements africains contre les tirs nucléaires français. Et ridicule en disant : "Nous Nigéria, nous aurons la bombe atomique." Ce sont des grotesques. Je ne leur ai pas pardonné. »1 La France joue un rôle majeur dans ce conflit : Dès le début, De Gaulle avait indiqué à son émissaire Jacques Foccart qu'il souhaitait affaiblir le « géant nigérian » 5. Foccart écrira trente ans plus tard : « De mon point de vue, le Nigéria était un pays démesuré par rapport à ceux que nous connaissions bien et qui faisait planer sur ceux-ci une ombre inquiétante »6. Le gaulliste Yves Guena déclarait pour sa part en parlant du Nigéria et du Ghana : « Même sans parler en termes militaires, que pèserait une poussière d'États francophones devant ces deux puissances ? »7. Selon son récit, De Gaulle donne carte blanche à Foccart pour qu'il « aide la Côte d'Ivoire à aider le Biafra »8. L’État français finance l'opération 9. De Gaulle appuie Foccart dans cette opération contre l'avis de son Premier Ministre, Maurice Couve de Murville, « littéralement horrifié » et contre la diplomatie française : ils « n'apprécient pas ce qui leur apparaît comme une politique aventureuse décidée en dehors d'eux », note Foccart10. Le chef de la République du Biafra, Ojukwu, a établi à Paris le Biafra Historical Research Center, où travaillent le mercenaire Bob Denard et Roger Faulques, ex-colonel pendant la guerre d'Algérie et ancien membre du 1er REP1. Ceux-ci recrutent d'autres mercenaires pour soutenir la sécession du Biafra, dont le colonel Rolf Steiner, un légionnaire allemand, ancien de l'OAS, qui commandera au Biafra la 4e Brigade commando (« légion noire ») et Gildas Lebeurrier, un ancien parachutiste en Indochine et en Algérie1. Le bureau sert aussi d'interface pour acheter des armes sur le marché « gris »1. Le 4e commando brigade remporta de nombreux succès sur les forces nigériannes, principalement lors de l'audacieux raid d'Enugu qui détruisit l'aviation nigériane dans le secteur Nord. Les opérations vers le Biafra sont coordonnées par l'ambassadeur de France au Gabon Maurice Delauney, avec à ses côtés Jean-Claude Bouillet, directeur de la compagnie aérienne Transgabon et responsable local des services de renseignement français, le SDECE, en lien avec le correspondant de Foccart à Abidjan, Jean Mauricheau-Beaupré, ancien membre du SDECE11. Les premières livraisons de munition et d'un bombardier B26 ont lieu en juillet 1967 et sont signalées par l'ambassade des États-Unis à Lagos12. Maurice Robert est alors chef des opérations du SDECE en Afrique. À partir d'août 1968, ce sont des dizaines de tonnes par jour d'armes et de munitions qui sont acheminées au Biafra par des mercenaires et des hommes du SDECE13. Le gourvernement nigérian utilise également des « mercenaires », sous la forme de pilotes égyptiens pour leur armée de l'air avec des chasseurs MiG 17 et des bombardiers Ilyushin IL 28. Les pilotes égyptiens auraient fréquemment attaqué des civils plutôt que des cibles militaires, bombardant de nombreux abris de la Croix-Rouge14. La presse francophone donne des échos du soutien français dans le conflit. Le Canard Enchaîné publie une lettre de l'ambassadeur Delauney recommandant le colonel Fournier et ses trois collaborateurs du SDECE au lieutenant-colonel Ojukwu. Dans Jeune Afrique, le journaliste Michel Honorin écrit : « De trois à six avions [arrivent] chaque soir au Biafra. […] Une partie des caisses, embarquées au Gabon, portent encore le drapeau tricolore et l'immatriculation du ministère français de la Guerre ou celle du contingent français en Côte d'Ivoire »15 Selon les analyses controversées de François-Xavier Verschave, le soutien militaire (mercenaires, armes et munitions) et financier apporté secrètement par les autorités françaises aurait prolongé le conflit durant 30 mois, provoquant indirectement 2 à 3 millions de morts16. Très éloigné de ces chiffres, le consultant canadien pour le développement Ian Smillie avancera que la prolongation de la guerre dû au soutien français aux insurgés du Biafra aurait contribué à la mort de près de 180 000 civils17. Utilisation de l'opinion publique française et européenne[modifier] Les services de renseignement français ont compris l'avantage qu'ils peuvent tirer des images et reportages des victimes de la famine auprès des opinions publiques européennes et américaines. Ils faciliteront l'exposition médiatique du conflit. Ce conflit est peu suivi par le public international jusqu'au milieu de l'année 1968, lorsqu'arrivent les premières photos de Biafrais victimes de la famine. Le Nigeria est alors soupçonné de génocide envers les Igbos, d'autant qu'un avion avec le signe de la Croix-Rouge leur apportant des vivres a été attaqué. « La conquête de l'opinion publique » , selon les mots du délégué du Biafra à Paris, Ralph Uwechue, fait l'objet d'efforts importants18. Foccart fera à ce sujet les remarques suivantes :« Les journalistes ont découvert la grande misère des Biafrais. C'est un bon sujet. L'opinion s'émeut et le public en demande plus. Nous facilitions bien sûr le transport des reporters et des équipes de télévision par des avions militaires jusqu'à Libreville et, de là, par les résaux qui desservent le Biafra. » 19. L'agence de publicitié MarkPress, à Genève, va mener pendant 17 mois, une campagne de presse, comportant plus de 500 articles, et donnant une place centrale au thème du génocide par la faim18. Le SDECE est directement impliqué dans cette campagne : « Ce que tout le monde ne sait pas, c'est que le terme de "génocide" appliqué à cette affaire du Biafra a été lancé par les services. Nous voulions un mot choc pour sensibiliser l'opinion. Nous aurions pu retenir celui de massacre, ou d'écrasement, mais génocide nous a paru plus "parlant". Nous avons communiqué à la presse des renseignements précis sur les pertes biafraises et avons fait en sorte qu'elle reprenne rapidement l'expression "génocide". Le Monde a été le premier, les autres ont suivi », explique le colonel Maurice Robert, responsable du SDECE durant la guerre du Biafra20. Les autorités de Lagos tentent de faire face à cette campagne : une commission internationale comprenant quatre observateurs (des militaires haut gradés du Canada, de Grande-Bretagne, de Pologne et de Suède) réalisent une enquête en septembre 1968 et concluent « le terme de génocide est injustifié »21. Crise humanitaire[modifier] Fillette réfugiée souffrant du kwashiorkor À partir de 1968, les deux armées maintiennent leurs positions et aucune ne parvient à progresser significativement. La population civile, coincée entre deux feux et craignant des massacres de la part de l'armée nigériane, n'a d'autre choix que de soutenir le gouvernement du Biafra et de se déplacer de camp en camp de réfugiés. Le blocus terrestre et maritime de la poche biafraise où sont coincés des millions de personnes sur quelques milliers de kilomètres carrés entraine alors une terrible famine où deux millions de personnes environ mourront de faim, de soif et d'épidémies. La médiatisation de cette famine qui montrait des enfants et des réfugiés faméliques et le cri d'alarme du gouvernement du Biafra accusant le Nigeria de génocide et d'aggraver la famine déclencha un élan humanitaire international. Un pont aérien transportant vivres et médicaments fut mis en place, ce qui permit d'enrayer en partie la crise. Ces convois aériens humanitaires furent dénoncés par le Nigeria, car, selon lui, ils servaient de couverture à l'envoi d'armes et de mercenaires22,23 24,25,26. Ces suspicions allèrent jusqu'à inciter l'armée nigériane à abattre en plein vol un avion du Comité international de la Croix-Rouge[réf. nécessaire]. Le conflit du Biafra offre un important tremplin médiatique pour les organisations humanitaires qui se sont engagées dans l'aide aux réfugiés. On assiste alors à un tournant, alors que des médecins comme Bernard Kouchner sortent de la politique traditionnelle de neutralité et de réserve de la Croix-Rouge et prennent fait et cause pour l'un des partis en présence. L'action des nouvelles organisations créées au début des années 70 telle que l'ONG Médecins sans frontières présentera un mixte d'aide humanitaire et d'actions de sensibilisation auprès des médias et des institutions politiques. Chute du Biafra[modifier] Avec un appui renforcé des Britanniques, les forces fédérales nigériannes lancent une offensive finale le 23 décembre 1969. Quatre offensives composées de 120 000 hommes au total ont raison des dernières positions biafraises. Odumegwu Emeka Ojukwu prend alors la fuite vers la Côte d'Ivoire et charge son premier ministre Philip Effiong de régler les détails de la capitulation. Celui-ci signe le 12 janvier 1970 un cessez-le-feu immédiat et sans conditions. Le 15 janvier, les derniers combats cessent et le Biafra est officiellement réintégré au sein du Nigeria. Après-guerre[modifier] Au début du conflit, l'écrivain Wole Soyinka, futur prix Nobel de littérature, inquiet de l'imminence du conflit, tenta de passer au Biafra. Il souhaitait par ce geste inviter les parties à trouver une issue pacifique. Le gouvernement fédéral nigérian l'arrêta et il passa alors 25 mois en prison ; il y écrivit alors le recueil de poèmes A Shuttle in the Crypt (titre initial : Poems from Prison) qui fait écho à cette expérience27. Malgré les accusations de génocide formulées à l'encontre du Nigeria, les observateurs internationaux n'ont pas constaté de représailles massives ou de massacres à l'encontre des Ibos après la capitulation du Biafra (ou n'ont pas pu en rapporter la preuve). Les propositions de réconciliation faites par le gouvernement du Nigeria semblent avoir été sincères. Les combattants du Biafra seront autorisés à réintégrer l'armée régulière et aucun procès ne sera organisé : Odumegwu Emeka Ojukwu lui-même sera finalement autorisé à rentrer au Nigeria en 1982, après douze ans d'exil. La reconstruction du Nigeria fut relativement rapide grâce à l'argent du pétrole extrait de l'ex-Biafra, mais le maintien d'un régime fédéral militaire mécontenta les Ibos qui jugeaient les retombées économiques insuffisantes. Une loi indiquant qu'aucun parti politique ne pouvait être fondé sur les ethnies ou sur les tribus fut adoptée mais son application ne fut pas aisée. Les vieilles tensions ethniques et religieuses demeurent une caractéristique constante de la politique nigérianne. Aujourd'hui, à plus de 70 ans et candidat à l'élection présidentielle nigériane de 2003, Ojukwu dénonce toujours les conditions de vie des quinze millions d'Ibos parmi les cent millions d'habitants du Nigeria et la persistance des nombreux problèmes qui avaient conduit à la guerre en 1967. |
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